Depuis un peu plus de 30 ans,
année après année, d’élections en élections, la société se désole et grogne son
mécontentement. Le chômage plus que tout la ronge à mesure que des politiques
impuissants promettent d’y porter les remèdes puisés dans les arsenaux décrépis
d’un monde disparu. Le choc du réalisme, en 83, l’abasourdit. Les cohabitations
successives la déstabilisent. Elle lance un grand cri d’alerte en 2002. Le
Président élu l’aura peut-être mal entendu. Avait-il les moyens de réduire la
fracture sociale qu’il dénonçait ?
Y pouvait-il quelque
chose ?
La société, les gens, les
personnes, les citoyens, le corps électoral, le peuple, bonnes filles et bon
garçons de la République, essaient alors Nicolas Sarkozy, vite confronté à La crise
financière mondiale. Le monde bouge. Ils tentent ensuite François Hollande,
décidé à des avancées sociales démocrates, pourtant élu sur un « mon
ennemi, c’est la finance » et sur des « moi Président ».
Normal ?
Il y avait encore –
croyait-on – plus à perdre qu’à gagner.
Mais ces deux là y pouvaient-ils
à leur tour quelque chose, empêtrés qu’ils étaient dans des rouages exécutifs,
législatifs et politiques grippés et renâclant ?
Deux courts quinquennats plus
tard, le chômage continue de croitre. La précarité s’installe à mesure que
l’imparable mondialisation s’impose et que la révolution digitale façonne le
nouveau « nouveau monde ». La jeunesse s’impatiente et l’éducation
piétine. La moitié des métiers de dans 20 ans sont inconnus, dans leur nature
et dans leur forme. La peur née de l’incertitude et de la menace terroriste
sourd.
La confiance est bigrement écornée,
entre le peuple et les gouvernants de tout poil qui s’imaginent encore être ses
élites. La « normalisation » du personnel politique ne plait pas.
La séparation de corps était
largement engagée.
Le divorce est consommé.
Mai 2017.
Pour la première fois depuis bien
longtemps une majorité de français semble avoir décidé de passer à l’acter et
renverser la table. Elle a compris que la crise financière, bien réelle,
n’était plus un alibi acceptable. Les peuples du monde en s’emparant de la
révolution technologique entament une mutation historique. Et comme chaque fois
que l’on vit l’histoire, on ne le sait pas.
Alors, les français
s’emparent des primaires, étranges OGM de l’élection présidentielle, pour
éliminer sans férir les caciques depuis trop longtemps dans le paysage.
Exit Nicolas Sarkozy, Alain
Juppé, François Hollande, Manuel Vals et consorts.
Strike !
On veut autre chose, fut ce
le pire, mais du nouveau !
Haro sur les promesses de
rassemblement inaudibles qui mènent à la bouillie politicienne. On ne garde de
ce premier faux avant-tour que François Fillon et Benoit Hamon, qui présentent
les programmes les plus lisibles et plutôt radicaux. Ils semblent aujourd’hui bien
distancés.
Se dessine un projet d’hémicycle
imprévu où les extrêmes s’installent, où les vieux partis se désintègrent et où
surgit un OVNI politique incarnant le désir de plonger avec des tètes nouvelles
dans un monde à inventer.
Bulle ? Pas si sur.
L’incroyable Brexit est acté.
Le surprenant Monsieur Trump est bien Président des Etats unis. Le populisme rampant
séduit. Tout est possible.
Quelle histoire !
Si l’on en croit les sondages
- ils se font bien têtus, même si toute surprise reste possible, tant les
stratégies de l’électeur sont insondables - des intentions encore fragiles,
telles les premières fleurs des arbres fruitiers, pencheraient vers un jeune
startuper décidé, semble-t-il, à inventer ce nouveau « modèle »,
comme on dit chez les pigeons et les licornes. Les attentes de la société
envers la politique ont évidemment changé. Ils réclament une autre gouvernance,
imprégnée de démocratie directe et participative, ouvrant le débat public et
reconnaissant les initiatives citoyennes, pour redonner aux citoyens le pouvoir
d’accomplir leur destin.
La République est en mode
« Start up ». quoiqu’il arrive, on va inventer et tâtonner, qu’on de
le dise, hors les structures convenues du paysage politique. Et de droite, et
de gauche. Le mouvement « En marche » est parti sur une intuition qui
ne demande qu’à se transformer en vision, en organisation, et peut être en
succès. Comme une « jeune pousse », née avec l’appui quasi
« familial » du premier cercle, qu’ont rejoint quelques
« political angels » avec enthousiasme. Il faudra peut-être
plusieurs « tours » successifs pour aboutir à une certaine forme de
stabilité.
Il règne un parfum
d’automne-hiver 57/58.
Mais attention, Danger !
De la même manière qu’un
vieil industriel, sympathique et généreux, mais décalé, peut ruiner les
espérances d’un jeune entrepreneur, les inusables routiers des congrès et de
l’assemblée peuvent hypothéquer les ambitions de l’innovateur.
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