lundi 14 juin 2010

Comme un parfum de Résistance




32 pleines pages - avec un peu de pub - sur « De Gaulle, un français libre » dans la livraison du week-end du Figaro Magazine. Jusque là, tout est normal. Le nouvel Observateur avait jeudi tiré le premier : la couverture et 20 pleines pages sur « La face cachée de l’homme du 18 juin, De Gaulle intime ».

Deux semaines de suite, le Figaro littéraire annonce quelques dizaines d’ouvrage parus sur l’homme et juin 1940 ; Dans la vitrine de la librairie Gallimard, boulevard Raspail, plus de soixante titres se télescopent, distraient et troublent le bibliophage consciencieux, qui ne sera pas plus en paix à l’Ecume des pages et chez les autres libraires. Pas un soir sans Le Général en prime time. Fictions, documentaires, rétrospectives témoignages et débats dégoulinent de la Une à la X. On organise des castings et des concours pour désigner le meilleur De Gaulle ! Comme pour Elvis, Johnny ou Claude François ; on annoncerait presque une grande tournée à venir !

Dans la presse, l’espace consacré à l’homme du 18 juin empiète sur les aventures de l’équipe de France de foot, curieusement discrète et prive le lecteur du débat du moment sur la réforme des retraites, ce qui peut en arranger certains. En attendant, on inscrit les « Mémoires de guerre » au programme du prochain bac littéraire, ce qui ne manque de déclencher un de nos bons vieux tollés syndicaux à la française.

Dans un malicieux roman, Le retour du Général, Benoît Duteurtre imagine un nouvel appel, lors d’un piratage télévisuel, – 2010 oblige, il aurait pu utiliser Facebook – de l’immortel père idéal pour la « grandeur de la France » confrontée aux urgences de la mondialisation.

Jean Michel Ribes prépare pour la rentrée du Théâtre du Rond-point la prochaine sortie de ses « Rire de résistance ». Dans chaque sous préfecture Les associations et les sociétés savantes organisent conférences et colloques sur la Résistance et ses figures. Le Monde organisait lundi dernier une rencontre avec Edgar Morin, le – presque seul – dernier intellectuel français, « Eloge de la résistance » ou « comment résister, au temps de l’Occupation, mais aussi aujourd’hui, à l’heure de la colonisation des territoires et des imaginaires » quand il faut « épouser les combats de son temps ».

L’appel du 18 juin aura sans doute été de ces quelques très rares évènements – on les compte sur les doigts d’une main – cruciaux et fondateurs. Quand l’histoire forge la mythologie. Nous en commémorerons vendredi le soixante dixième anniversaire. On en avait moins fait pour les soixante ans. Que mérite cette avalanche de précipiation mémorielle ? Le vieillissement des témoins, la persistance du recours au gaullisme aseptisé aux contraintes de la politique spectacle, le terrible manque d’imagination des éditeurs et autres producteurs ?

Ou le désarroi d’une société déprimée paralysée par l’absence de perspectives et/ou la recherche désespérée d’une incarnation charismatique !

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